En introduisant Windows Virtual Desktop, Microsoft inaugure la fin du système d’exploitation traditionnel pour PC de bureau. Certains ont annoncé depuis longtemps que Microsoft prendrait ses distances par rapport à son système d’exploitation Windows centré sur le PC pour passer à une solution Windows basée sur le Cloud et louée à l’usage. Aujourd’hui, l’annonce d’une version bêta de Windows Virtual Desktop nous rapproche un peu plus de cette fin du PC desktop que tout le monde connaît. Steven J. Vaughan-Nichols: «je suis assez vieux pour me rappeler comment le PC a tout changé » « avant le PC, les utilisateurs d’ordinateurs dépendaient de systèmes en temps partagé et de terminaux sans intelligence, et les entreprises ou les écoles qui disposaient de cette puissance de calcul centralisée prenaient toutes les décisions. Avec l’avènement du PC, chacun a pu bénéficier de sa propre puissance de calcul directement sur son bureau, et il pouvait en faire ce qu’il voulait ».
L’annonce de cette version bêta de Windows Virtual Desktop est un signe avant-coureur de la fin de ce PC (personal computer). Nous sommes sur le point de faire un grand pas en arrière, de revenir à l’époque où l’ordinateur était centralisé et sous contrôle. Peut-être même que pour la plupart des gens, ce retour en arrière est acceptable. Et même si notre vie est de plus en plus centrée sur la technologie, peu de gens s’intéressent vraiment à la technologie elle-même. « Tout le monde adore l’utiliser, mais peu de gens cherchent à la comprendre en profondeur », fait ainsi remarquer Steven J. Vaughan-Nichols. Certes, à l’époque, avant de pouvoir travailler avec un ordinateur, il fallait apprendre beaucoup de choses sur les machines, les systèmes d’exploitation, les commandes et plus encore. Jusqu’à ce que le terme « user friendly » devienne nécessaire pour l’informatique, au point qu’aujourd’hui, la convivialité est telle, que ce n’est plus un sujet principal.
Google a également montré avec son système d’exploitation Chrome que la plupart des utilisateurs pouvaient faire à peu près tout ce qu’ils voulaient sur un ordinateur à partir d’un simple navigateur Web. Mais la voie choisie par Google n’est pas celle de Microsoft. La firme de Redmond cherche d’abord à pousser les utilisateurs vers un Windows desktop as a service (DaaS) via Microsoft Managed Desktop (MMD). Cette solution regroupe Windows 10 Enterprise, Office 365 et Enterprise Mobility + Security et une gestion de système basée sur le cloud dans Microsoft 365 Enterprise. L’étape suivante, Windows Virtual Desktop, doit permettre aux entreprises de virtualiser les applications Windows 7 et Windows 10, Office 365 ProPlus et d’autres applications tierces sur des machines virtuelles Azure. Si tout se passe bien, elles pourront s’abonner à Windows Virtual Desktop cet automne. Bien sûr, Virtual Desktop ne concerne que les utilisateurs professionnels. Pour l’instant… Mais notre confrère pense que dès 2020, Virtual Desktop sera offert à tous les utilisateurs. Et que d’ici 2025, le Windows desktop que nous connaissons, sera devenue un produit de niche.
Nous savons déjà ce que veut Microsoft : « louer » Office 365 plutôt qu’acheter Office 2019. Et les jeux, diriez-vous ? Il y aura toujours un Windows pour les jeux. Avec son service de gaming cloud Google Stadia, Google estime déjà que les utilisateurs sont mûrs pour jouer dans le cloud. Et cela n’a rien d’utopique. Cela fait déjà plusieurs années que Valve réussit avec sa variante Steam. La majorité des utilisateurs rédigera ses documents, remplira ses feuilles de calcul et accomplira toutes les tâches réalisées aujourd’hui sur PC avec des applications dans le cloud, sur des terminaux intelligents, sous Chrome OS ou Windows Lite. Pour continuer à utiliser un « vrai » PC, restera le choix entre Linux ou MacOS… Aucun des grands éditeurs Linux : Debian, Red Hat, SUSE.. ne fait du desktop sa priorité. Le bureau Linux continuera à fonctionner, mais de la même manière qu’aujourd’hui : pour les passionnés. MacOS, également basé sur un noyau Unix, est essentiel dans certains domaines. Mais les ventes de Mac ne représentent plus qu’un pourcentage de plus en plus réduit du chiffre d’affaires d’Apple. Des gens comme Jonny Evans de Computerworld espèrent bien qu’en 2019 les Macs feront de sérieuses percées sur le marché des PC. Mais ce n’est pas le cas pour l’instant. Certains professionnels, dans la vidéo notamment, ne jurent que par eux. Encore une fois les gens ne s’intéressent pas à la technologie. Ceux qui auront besoin de puissance, c’est à dire de processeurs rapides et de stockage rapide sur leur bureau continueront à utiliser des machines desktop. Mais ce nombre se réduira, tout comme le monde des ordinateurs de bureau.
On se rappellera de l’histoire du « personal computer » : sa naissance en Californie en plein « flower power ». Cette époque est celle d’un mouvement de pensée écologique, libertaire, antisexiste, antiségrégationniste, pacifiste avec des slogans tels que « small is beautiful » (également titre connu !) et aussi l’apparition d’un terme nouveau la « convivialité ». Sous la plume d’Ivan Illich, la convivialité est une caractéristique de l’outil, qui en permet une utilisation inconditionnelle, intuitive, voire détournée. Par exemple un tournevis permet de visser et dévisser, mais aussi d’ouvrir un pot de peinture d’être utilisé comme levier, comme cale, comme massette (le manche), c’est donc un outil convivial. De même que lorsqu’un enfant joue avec un caillou ou un morceau de bois il y trouve bien plus de convivialité que dans un jouet sophistiqué dont l’usage est quasiment totalement prédéfini par son concepteur. Selon cette définition (de conviviale) l’informatique est redevenue « aliénée » (les contraintes sont réapparues, elles « captent » l’utilisateur). Le PC instrument d’une nouvelle liberté, invention d’une libération sociale et personnelle, aura bien du mal à passer notre époque. Marquée par une reprise en main autoritaire, sécuritaire, hiérarchique et consumériste, comment reviendra t elle à ses fondamentaux? Internet, autre symbole d’un rêve de partage libre et universel, date de cette même période, provient en partie de cette même mouvance. Ce qui explique aussi les difficultés rencontrées pour y implémenter les idées de propriété privée, de contrôle d’identité, de droits etc… Il en ira de ces inventions comme de notre société qui loin des utopies libertaires et pacifistes retourne à grands pas vers d’autres utopies bien moins plaisantes, la liberté du marché, la volonté de puissance, l’utilitarisme….