C’est connu : si c’est gratuit, vous êtes le produit. Le vrai client, c’est celui qui paie. Et celui qui paie, c’est l’annonceur. Sans faire preuve de cynisme quelconque, je pense qu’il est important de souligner que nous, les utilisateurs, et eux, les plates-formes « gratuites », nous avons des objectifs singulièrement antinomiques. Les nôtres, c’est de passer plus de temps avec nos proches, d’organiser nos vacances ou encore de faire aboutir ce projet qui nous tient à cœur. Les leurs, c’est de nous faire passer un maximum de temps sur leur plate-forme, de nous faire cliquer et scroller le plus possible et de nous exposer au plus grand nombre de publicités. Ces objectifs sont fondamentalement opposés. Une fois ce point clarifié, une question se pose : si le vrai client, c’est l’annonceur, comment satisfait-on ce dernier ? Il y a là un contrat social implicite : nous, les utilisateurs, bénéficions d’un accès à la plate-forme. En contrepartie, le réseau social traque chacun de nos clics et mouvements de souris pour vous faire une idée  (mettre le son et pour bientôt l’expression de notre visage ? tout en se réservant le droit de nous manipuler. Manipuler, comment ? Paranoïa ? Venons-en à cette histoire de notifications.

Pour satisfaire son client (l’annonceur ; celui qui paie !), Facebook doit permettre à ce dernier de cibler ses publicités avec précision. Pour ce faire, il lui faut une connaissance toujours plus poussée des utilisateurs. La logique est donc la suivante : au plus vous passer de temps sur le réseau social, au plus Facebook peut collecter de données sur vous, au mieux le réseau social peut vous connaître (à l’instant T) et au plus précis sont les critères de ciblage publicitaire. Au plus précis sont les critères de ciblage publicitaire, au plus l’annonceur paie et au mieux se porte le modèle économique de Facebook. Si les fake news peuvent vous faire passer plus de temps sur Facebook, « god bless the fake news » Notre ami Mark a une responsabilité et un devoir de répondre à cette problématique, mais en substance, les fakes news contribuent tout à fait à pérenniser le modèle économique de son réseau social aux 2 milliards d’amis. Pour info ou pour rappel : en 2016, la publicité sur Facebook, ce sont 97% des revenus du réseau social.

Notifications et dopamine: les notifications, c’est comme les mails lecture recommandée ) : ça libère de la dopamine dans le cerveau, qui est une substance de plaisir addictive. Une notification, un mail, c’est une attention à notre égard. C’est irrésistible. Ajoutez à cette réalité la démultiplication des notifications, dans le cas de Facebook : anniversaires, on this day, suggestion d’ajout d’amis, pages à liker, notifications de pages, etc… et l’usage de la couleur rouge, qui est une couleur excitante (voir psychologie des couleurs ci-dessous), en autres, et vous avez une partie de l’explication. Je vous invite à la lecture de cet article (et de ses hyperliens) pour en savoir davantage sur le sujet dans le cas de Facebook.

Merveilleuses technologies et leurs outils fantastiques… mais telle une pièce à deux faces, aux opportunités s’associent des menaces et l’exigence d’une approche techno-critique. Le plus grand problème avec les technologies actuelles (plates-formes sociales comprises) se résume en deux mots : conception et collection. Elles sont addictives « par esthétique » (by design) pour les raisons évoquées ci-dessus. Et l’utilisateur n’est pas pleinement propriétaire de ses données de navigation, qui sont collectées en masse à des fins commerciales dans le meilleur des cas, et pour les plus subversifs d’entre nous, à des fins gouvernementales également…  la collusion avérée entre les géants de la tech et des agences gouvernementales n’est plus à rappeler (cf. programme PRISM).

L’usage compulsif  – parce que plate-forme addictive – des réseaux sociaux Facebook et consorts nous fait consommer les notifications à gogo. Et s’il n’y a pas de notifications, l’envie d’y retourner deux minutes plus tard, sachant pertinemment bien qu’il n’y a rien de nouveau, est dans certaines situations souvent irrésistible pour beaucoup. Les notifications, c’est comme une machine à sous : tant qu’on peut jouer, on joue. Au casino, c’est avec de l’argent et donc limité. Sur Facebook, c’est avec nos données et donc illimité.

Abondance et économie de l’attention: dans un monde qui rime avec abondance, notre attention fragmentée entre 1001 possibilités est devenue une denrée rare (une étude publiée par Microsoft Canada en 2015 conclut qu’un poisson rouge a désormais un meilleur temps d’attention que nous) pour tous ces services qui se battent pour la capter. Appelez-la « économie de l’attention ». En raison des objectifs divergents entre plates-formes et utilisateurs, rien n’est fait du côté des géants de la tech pour remédier à cela et nous permettre de reprendre le contrôle de notre temps numérique.

Certaines initiatives sont néanmoins prises comme celle de l’ingénieur Tristan Harris, ex-Design Ethicist chez Google qui a créé le label Time Well Spent : « Time Well Spent is a movement to stop technology platforms from hijacking our minds, and to start putting our best interests first ». Quand une récente étude d’Ericsson conclut qu’une seconde d’attente suffit à stresser l’utilisateur d’un smartphone, il devient pertinent de s’attarder sur la question de notre degré de résistance au numérique. (Merci à Denys Malengreau pour l’essentiel)

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