Intelligence artificielle et musique sont intimement liées, mais l’IA va-t-elle aider les artistes à créer de nouveaux genres musicaux ou bien remplacer les musiciens purement et simplement? L’évolution de la musique a toujours suivi l’évolution de la technologie. C’est un des premiers domaine à avoir été touché par les avancements technologiques. Musique et technologie ont toujours été intrinsèquement liées. Les bouleversements techniques ont modifié notre façon de concevoir la musique, mais également notre façon de l’écouter. Ainsi, face aux prochaines avancées techniques avec l’IA qui se profilent, le domaine musical risque encore de muter. La technologie va encore repousser plus loin les limites de la créativité et de nouvelles formes d’art verront le jour.

Les IA musicales sont déjà là.
Les IA commencent sérieusement à envahir les ondes sonores. L’IA nommée Juckedeck a déjà composé plus d’un million de musiques utilisables à des fins commerciales. Au cours des dernières années, plusieurs firmes similaires comme Amper, Popgun et AIVA ont émergé pour rejoindre cette nouvelle et étonnante industrie. Leurs outils sont simples : choisissez un genre, une humeur, une durée.. : AIVA ou Jukedeck génère une composition pour votre projet personnel, – abonnement payant – pour un usage commercial. Les chansons composées par AIVA et ses semblables apparaissent déjà dans les podcasts, les jeux vidéo et les contenus Youtube – cela commence par la musique de fond pour des vidéos de vacances en famille ou encore par des vidéos de sport. Pendant des années, les vidéastes amateurs devaient récupérer des musiques sur d’immenses bibliothèques musicales, dont les œuvres étaient produites par des humains. L’IA propose désormais des compositions plus ou moins personnalisées en appuyant juste sur un bouton. Parfois, les chansons peuvent être presque (!) bonnes. Après avoir créé une musique moderne cinématique sur AIVA en choisissant l’option Epic Orchestra, avec des violons, des contrebasses et des percussions, L’IA a ajouté quelques petites pauses mélodiques. En tant que musicien, j’ai été impressionné par la cohérence générale de la structure et des harmonies. Cet air n’était ni brillant ni mémorable, mais il correspondait facilement à la qualité du travail humain que vous entendez dans certaines vidéos ou publicités.

Personne ne pourrait faire la différence avec des musiques composées par des humains. Pour arriver au même résultat, il faudrait minimum dix heures, voire vingt heures pour composer une telle pièce pour un compositeur. AIVA l’a fait en moins de 3 minutes. À titre d’exemple, il faut entre 30 et 80 heures pour faire une seule musique. Néanmoins, les IA ne peuvent pas encore faire tous les styles. Elles ne peuvent pas encore gérer la complexité d’un morceau électronique, qui demande beaucoup plus de paramètres que les musiques d’ascenseur qu’elles produisent actuellement.

 Les réseaux de neurones artificiels nécessitent des milliers d’exemples pour comprendre comment faire une mélodie ou un rythme. Si vous nourrissez une IA avec des fichiers MIDI contenant des mélodies de Bach ou de Beethoven, elle va en comprendre les mécaniques et les subtilités, puis reproduira les mêmes motifs. C’est aussi de cette façon que l’IA sait comment les notes arrivent à sonner ensemble. Plus l’IA est nourrie avec des exemples de bonne qualité et plus elle sera capable d’être bonne musicalement. Bien entendu, cela signifie que l’IA a besoin d’être guidée dans son apprentissage. Elle ne pourra pas apprendre à composer du Bach par magie, si vous ne lui donnez pas des exemples qui viennent de cet artiste.

L’IA sans émotion ni expérience …
A chaque fois que nous réfléchissons aux impacts de l’automatisation, il existe des prophéties négatives ou positives. Les optimistes affirment que l’IA détruira certains emplois, mais en créera des nouveaux tout en nécessitant davantage d’intelligence créative. Les pessimistes répondent qu’ils sont d’accord, mais que ces emplois ne seront jamais assez nombreux en remplacement. 

Les entrepreneurs qui sont derrière les IA de bases créatives sont dans le premier camp. Leurs efforts risquent de détruire toutes perspectives aux compositeurs débutants et sans virtuosité, mais ils n’élimineront pas le besoin de talent. Les personnes capables d’écrire des partitions complexes pour le cinéma, la télévision, les jeux vidéo et les musiques que nous désirons, resterons encore longtemps sur le marché. Aucun système actuel ne rivalise avec la créativité humaine. L’objectif de ces entreprises n’est pas de remplacer les musiciens. Ces algorithmes ne peuvent pas encore comprendre le contexte ni le but, ainsi ils ne savent pas ce qu’ils font et ne peuvent apporter ni émotion ni expérience de la vie. Les IA de bases créatives n’ont aucune idée de ce qui est pertinent sur le plan culturel, de ce qui est bon sur le plan politique ou sur n’importe quel autre sujet.

Dans un sens, les réseaux neuronaux ne font que simuler la composition humaine. Nous aussi nous consommons des centaines ou des milliers de musiques au cours de notre vie qui nous donnent des modèles intuitifs. Puis recombinons ces connaissances en quelque chose de nouveau. On échantillonne, on empreinte (!) et on transforme … !!. Notre créativité s’appuie sur celle de ceux qui nous ont précédé. Mais lorsqu’une machine le fait, cela peut ressembler à un acte impersonnel, voire un effet opposé. Pour l’instant, aucune IA n’est assez bonne pour créer, à elle seule, une symphonie entière décente, voire une chanson pop entière avec des paroles (certains artistes-programmeurs ont essayé de générer des paroles avec un succès limité). Même si une IA de Huawei a réussi en 2019 à terminer la symphonie inachevée de Shubert, celle-ci ne pourrait pas en faire une à elle seule avec une vraie personnalité musicale. Donc si on veut schématiser l’eldorado de la collaboration entre la créativité humaine et la créativité artificielle, ce serait ceci : une chanson à succès en quelques clics …!

L’IA, outil d’un nouveau genre musical?
L’IA promet de démocratiser la composition de la même manière qu’instagram fait chacun de nous un photographe. L’IA sera surement bientôt intégrée dans les instruments, dans du matériel réel aussi. L’IA sera dans les claviers, pianos, les guitares, les basses, elle sera partout. Imaginez que vous vous asseyez devant un piano électrique pour vous laisser guider par le fantôme de Bach. Cela vous semblera probablement amusant, bien que cela soulève une inquiétude : de tels instruments ne vont-ils pas déstabiliser les jeunes musiciens et les décider de ne pas continuer leurs études musicales ? En revanche, la montée en puissance de l’IA pourrait engendrer de touts nouveaux genres musicaux. C’est le propre des nouvelles technologies: la guitare électrique nous a donné le rock, le synthé a contribué à la New Wave (entre autre), les boîtes à rythmes électroniques et les sampleurs au hip-hop (aussi à la musique électronique)… l’autotune était au départ une technique de mixage de l’industrie du disque (qui permettait de nettoyer les fausses notes) jusqu’à ce que des artistes l’utilisent pour créer de nouveaux styles vocaux… Il existe encore des enjeux, pour garantir une intelligence artificielle éthique, responsable et créatrice de valeur. Les challenges ne seront plus seulement réservés aux humains.. De nombreux défis les attendent : les interactions avec le monde physique, le sens commun, savoir expliquer ce qu’elles font, pourquoi et comment, donner leur opinion, comprendre les routines et émotions humaines et leurs multiples interprétations. L’IA ne remplacera pas tout de suite le musicien. En revanche, elle crée déjà des opportunités et va démocratiser l’accès à la musique. (merci à Boris H (extra terra) – composition écrite avec AIVA – arrangements -)

 

 

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